28 janvier 2008

La casamance

Je dois bien avouer que j'ai toujours eu une forte attirance pour les territoires rebelles et mes minorités. Mon côté écorché vif sans doute. La Casamance est ce qu'est Kidal pour le Mali: la province rebelle très enclavée par rapport au pouvoir centrale. Enclavé pas tant par la distance que par ce petit bout de pays anglophone qu'est la Gambie. Encore une aberration des tracés de frontière coloniale qui n'ont pas été rectifiées à l'indépendant. Pour y accéder, il faut traverser ce pays sur une trentaine de km: la route n'est pas goudronné et il faut passer un bac. Plusieurs heures d'attente et des backchis à payer. L'union européenne voudrait bien payer la route et le pont mais le président de la Gambie (qui aurait trouvé un remède contre le sida à base de prière) le refuse. Ca s'passe comme ça, en Gambia
Pour atteindre la Casamance, il faut traverser la petite cote, le pays où des européens (et européennes) un peu défraichis cherchent à se faire un bain de jouvence dans les bras plus jeunes (...), traverser tout un arrière pays parsemé de baobabs, ces arbres aux troncs plurimétriques très poreux et gorgés d'eau qui sont parfois creux à l'intérieur, si creux parfois qu'il peuvent faire office de cimetière ou de lieu de culte. Le baobab est un peu un symbole du Sahel.
La Casamance était en rébellion armée contre le pouvoir de Dakar depuis 1983 et demandait son indépendance. La situation s'est fortement arrangée ces dernières années même si quelques bandes armées peuvent encore couper les routes de temps en temps. Pour ma part j'ai préféré opté pour une petite "croisière maritime" de Dakar à Zinguinchor à bord du Wilis, le remplaçant du Joola, ce navire qui a chaviré en 2002 en emportant avec lui plus de 1500 passagers. Bismillah! Bientôt un nouveau bateau doit prendre le relai du willis mais il semblerait que son tirant d'eau soit trop important pour rentrer dans l'estuaire de la casamance. Petit détail important: le financement est union européenne, donc, pour la plupart, vos impots...
La basse casamance forme un estuaire saumâtre aux multiples méandres. C'est un fantastique vivier à poisson, tous succulents (quand ils sont frais...). A zinguinchor, j'ai notamment mangé des sèches succulentes. Ca donne de très jolis paysages à palétuviers.
Malheureusement plus à l'intérieur des terres , les sècheresses successives et des aménagements hydrauliques ont sérieusement endommagés cette mangrove.
Voir Sedhiou et mourir...
Je suis logé en Casamance par vieille ami italien rencontré au Mali, grand amateur de pâtes made in Italy et de sauce Pesta, pas mauvaise d'ailleurs.
Forsa Italia, Saverio!
La coopération italienne est historiquement fortement implantée dans cette zone du Sénégal, route, puits, écoles, rien n'échappaient aux "experts" italiens. Une conception qui n'est plus tellement au gout du jour (les personnes travaillant dans le milieu comprendront)
Sedhiou est une petite ville de moyenne casamance sans grand charme, nonchalante et surclassée par des villes comme Bignona mieux située. Par contre, j'ai retrouvé l'ambiance de mon cher Mali. Gens courtois qui n'essaient pas de te vendre quelques choses, quiétude, etc... Ici c'est une petite ville de brousse, pas une mégalopole saturée. On respire. Pas grand chose à faire non plus, beaucoup de chômage probablement.
Quand je suis passé là bas, l'animation venait de la maison de quartier où il y avait un tirage au sort pour des permis de travail de 3 mois pour ramasser des fruits car l'économie espagnole a besoin de cette main d'oeuvre étrangère illégale. Autant dire qu'il y avait la queue car au delà de l'argent que ça peut rapporter, c'est aussi une entrée facilitée dans l'espace schengen au lieu de tenter une aventure risquée vers L'Europe via des bateaux de fortune via les iles du cap vert ou l'Espagne. Chaque année, la marine espagnole récupère des dizaines de cadavres dans le detroit de Gibraltar. La plupart des victimes viennent de l'Afrique de l'Ouest.
Actuellement la coopération italienne finance des micro projets proposée par les communes: moulin à mil, école, marché, puits, etc... L'objectif principal est de soutenir la décentralisation en cours. Pour ce projet, en contre partie de cet investissement, les communautés doivent fournir 10% des travaux en argent. Cela permet une meilleure appropriation des ouvrages par les bénéficiaires. Par exemple un puits construit par les allemands construit n'est plus le puits des Allemands mais le puits de la communauté ou de l'association et il est donc mieux entretenu. Les vrais plaisirs de ce type de job sont les rencontres communautaires, souvent bonne enfant. Pour obtenir leur financement, les bénéficiaires en rajoute toujours un peu pour convaincre mais c'est de bonne guerre. Si un projet humanitaire (on parle plutôt ici d'aide au développement) a pour consigne de mettre en valeur les femmes, curieusement les bénéficiaires mettront en avant les femmes même si lors de la discussion, nous avons à faire avec un homme qui est le "parrain" de l'association. A l'époque où je travaillais au mali, le thème principal abordé était le paiement de l'impot. Les modes changent mais les problèmes restent...

Je deviens cependant perplexe quand à la réelle efficacité de ce type d'aide au développement. Certaines aides ou infrastructures viennent parfois concurrencées une activité privée et fonctionnelle. C'est donc susceptible de décourager l'initiative privée. Dans les communes les moins bien "gouvernées", l'aide ne va par forcément à ceux qui en on le plus besoin mais à la communauté du clan au pouvoir. De plus ces communes sont souvent des coquilles creuses qui ne fonctionnerait pas sans l'aide extérieure. C'est un puits sans fond. La dépendance du Sénégal vis à vis de l'extérieure est à mon avis dangereusement forte. N'est il pas plus sain finalement de stimuler l'économie de ces pays en voie de développement en facilitant leur commerce et leur activités intérieures. Je me souviens du cas des agriculteurs songhoy de la boucle du Niger au Mali. Ils cultivaient du riz sur les bords du fleuve mais leur riz n'était pas compétitif par rapport à la brissure de riz en provenance de Chine. La situation est parfois surealiste. Le pays dépend de l'aide extérieure pour son alimentation mais la production locale n'est pas encouragée! Un matin j'achetais quelques arachides à un gamin dans la rue et je suis servi... dans une page de cahier déchiré (note: 5/10, pas terrible)... Bref le développement c'est pas une mince affaire...


Enfants au puits entre Sedhiou et Zinguinchor
Marché de brousse à proximité de Sedhiou

La casamance est divisée en plusieurs groupes éthnique. L'ethnie principale est l'ethnie Diola mais l'ethnie Mandingue est également fortement présent. Au niveau religieux les mandingues sont exclusivement musulmans tandis que les diolas sont plus partagés entre chrétiens, musulmans et animistes.

Les diola sont de grands buveur de vin de palme. Difficile donc de devenir musulman d'autant plus que c'est la religion des maitres de Dakar. Quoiqu'il en soit, musulman ou chretien (catholique, évangélique, etc...) ont gardé d'importantes influences paiennes. il n'est pas rare de voir des arbres couverts de fétiches, tous les ans, les jeunes vont s'initier dans le bosquet sacré, les fromagers, magnifiques, sont souvent des arbres sacrés ....

Les femmes gardent une grande place dans la société. Ce n'est par contre pas véritablement le cas dans la société mandingue. Les femmes sont disons, heu..., corvéables à merci. Après avoir discuter avec l'une d'elle, voici le programme journalier d'une femme mandingue: le matin levée avant l'homme pour lui préparer à manger. La journée: travail dans les rizières (seul la femme y travaille) ou piler le mil, soirée: s'occuper des enfants et de son mari, et faire la cuisine. Pendant ce temps là, l'homme discute sous le Baobab en buvant du thé ou bien part à l'aventure. Et dire que les femmes occidentales se plaignent...
Tiens bizarre, dans la rizière, on ne voit que des femmes. Dis moi saverio, c'est normal?

En plus elles sont très agréable ces femmes et elles m'offrent du riz qui sont un symbole de fertilité. 2008 mon premier bébé? C'est mal barré mais qui sait?
L'extrême Est est la zone la plus touristique et la plus typique de la Casamance. Avant la rébellion, ce lieu était considéré comme un paradis. Aujourd'hui le tourisme peine à redémarrer et le Sénégal est une destination relativement chère comparée à d'autres destinations comme la république dominicaine car le Francs CFA est ancré sur l'euro.
Pourtant les plages sont très belles et les bana bana ne sévissent pas encore trop...
La culture y est assez riche, on peut y visiter des maisons à colonnades ou des cases à eupluvium (c'est à dire qui récoltent l'eau de pluie par l'organisation du toit). La sortie de messe est un impressionnant mouvement de masse... Un endroit intéressant! On peut y rencontrer des personnages cocasses comme cet italien qui a repris le caractère sacré de l'arbre fromager pour en faire....heu... un bar


Alors buvez Fromager! (avec modération bien sûr)

Merci Saverio. Force et honneur. Nous vaincrons! Avé!

4 commentaires:

Anonyme a dit…

Salut, c'est Vince,

Pour rattraper le découpage d'origine colonial, à quand les USA(f) ? : United States of Africa ...

Cyberjeje a dit…

Bientôt inch Allah (on peut toujours le rêver, on sait jamais)

Seb a dit…

Vive la révolution ! Toujours intéressants tes articles...

Anonyme a dit…

Meme dans la brousse il trouve un bar il fait fort ce cyberjeje.

Pascal.