16 avril 2012

(Re) Prenez le pouvoir

Encore une semaine et c'est le premier tour de l'élection présidentielle. L'enjeux est fondamental. Quelle société voulons nous? Continuer droit dans le mur, accélérer? Ralentir? Peu important! Une seule chose est sûr. Tant que nous roulons dans cette même direction, nous allons droit dans la direction du mur.
Peut être est il temps, sinon de faire une marche arrière (mais dans la vie on va toujours de l'avant, la marche arrière est souvent très décevante), au moins de dévier de la trajectoire que l'on nous présente comme unique. Unique seulement pour la pensée unique néo-libérale, dogme économique qui a largement fait la preuve de sa dangerosité: au "Sud", la création d'un néo-esclavagisme dans les ateliers du monde (Chine, Inde, Vietnam, Indonésie...), des travailleurs sous payés à la merci de leur patron, vivant sur leur lieu de travail et n'ayant pas toujours le droit de sortir du système. Au nord, une poignée de personnes (disons quelques dizaines de millions de personnes) qui profitent du système et une armée de chômeurs en devenir.
Pire tout est en place pour saper la base de notre pacte sociale. Moins de dépense, moins de lien social, moins et  moins, et plus pour certains, toujours plus...
Trois mois que je suis rentré en France. Je constate régulièrement la dégradation du service public: poste, SNCF...
Imaginez vous qu'aujourd'hui, la banque centrale européenne prête aux banques privées européennes des sommes considérables d'argent à un taux d'intérêt de 1% puis ces généreuses banques prêtent ensuite cet argent (notre argent) à des taux usuriers aux Etats (2-3-4-5 voir 6% ou plus), générant un considérable bénéfice sans fournir le moindre effort de travail. Pire c'est maintenant bien souvent des banques étrangères qui bénéficie de cette manne issue de l'impôt des contribuables français.
Pourtant l'argent nécessaire au fonctionnement de l'économie pourrait être injectée sans spéculation par des structures publiques n'ayant pas de but de profit.
Aujourd'hui, le paiement de l'intérêt de la dette (et non son remboursement) représente le premier poste de dépense dans le budget de la France devant l'éducation. L'emprunt de l'état ne sert plus à investir pour le pays mais à rembourser les égarements du passé.
Les banques sont tellement intégrées dans le système qu'elles ne peuvent pas faire faillite. En effet, elle prête 5 à 10 fois ce qu'elles ont en dépôt tout en rénumérant nos dépôts qu'à 1 ou 2% alors que l'inflation actuelle est entre 2,5 et 3%, généreuse banque... Avec un tel système de levier, 10% de défaut des prêts et c'est déjà la faillite presque garantie. Elles nous tiennent par nos parties génitales pour rester poli. Une sorte de chantage d'enfant gâté. On ne laisse pas le muscle du coeur s'arrêter. En résumé l'état a soutraité au privé une fonction vitale de son corps: l'injection d'argent dans l'économie et ce parasite s'est parfaitement greffé dans le système, pompe et pompe jusqu'à ce que les autres parties du corps soit malade, très malade...
La démocratie montre toute sa limite dans cette affaire. D'abord la collusion entre hommes politiques, média et banquiers. Pour se faire élire, les hommes politiques dépensent sans réfléchir l'argent qu'ils n'ont pas et qui est financé par l'emprunt. Charge aux générations futures de le rembourser. Un banal cas de surendettement...
Force est de constater que la campagne électorale n'est pas à la hauteur des enjeux. Entre l'embauche de 60000 enseignants supplémentaires, la viande hallal, le permis pour les jeunes et le paiement de la retraite le 1er du mois au lieu du 8, j'ai bien peur que les réponses apportées ne sont pas des plus pertinentes.
Il est grand temps de reprendre la main sur les politiques, de reprendre le pouvoir à l'instar du slogan de Jean  Luc Mélanchon, très judieusement choisi.

Contrôler des dettes des états en supprimant les parasites bancaires, aplanir les statuts (fonctionnaires, salariés del PME, salariés des grandes entreprises, chômeurs,retraités... Halte au corporatisme!), relocaliser autant que c'est possible les productions en France avant que notre pays ne deviennent qu'une coquille vide, recontrôler la construction européenne sans que la démocratie soit bafouée (cf référundum sur la constitution), freiner l'envoler des prix de l'immobilier qui draine une part de plus en plus important du budget des français, les salaires n'évoluant presque plus depuis pas mal d'années...
Penser que la France puisse être le déclencheur de cette nouvelle révolution sociale, à l'image de la révolution française de 1789, est une idée séduisante.

Les changements impliquent un retour à l'inflation surtout si la masse monétaire n'est pas contrôlée, et donc un renchérissement du prix des matières premières, en premier lieu de celui du pétrole. Cela pourrait constituer le choc nécessaire pour passer à l'air post pétrolière et changer nos habitudes professionnelles et personnelles (travail à domicile, bureau partagé, développement réel des transport en commun, etc...). L'inflation génère aussi une certaine perte de pouvoir d'achat. Qu'à cela ne tienne, la déconsommation est l'avenir de la planète. L'image de la réussite véhiculée par la société ne doit plus être la réussite matériel mais l'épanouissement personnel.
Pas très sexy peut être. Moi je ne trouve pas. C'est justement aujourd'hui qu'il faut sortir des dogmes et des chantiers battus pour inventer un nouveau modèle de société valorisant le travail ET l'être humain.

Bonne semaine électorale!

03 avril 2012

Azawad libéré? Renouveau culturel ou nouvel Afghanistan?

Jusque dans les années 1990, les touaregs du Mali vivaient sous une chape de plomb imposée par la république du Mali depuis l'indépendance car les nomades avaient osés revendiqué un état séparé lors de la décolonisation en 1960. Mais Modibo Keita, le premier président de cette jeune république, ne le voyait pas comme ça: la république du Mali est "une et indivisible". La devise du Mali n'est il pas "Un peuple - Un but - Une foi". Le maréchal Pétain n'aurait peut être pas renié une telle devise.
Or le Mali est un état artificiel dont les frontières ont été tracées, tout comme pour beaucoup de pays en Afrique, au crayon sur des cartes d'état major. Ainsi Bamako est situé à 50 km de la Guinée et à plus de 1500 km de l'Algérie. Le peuple touareg est partagé entre 4 états: Mali, Niger, Algérie et Lybie. Les réalités économiques et rancunes historiques sont tout à fait conflictuelles... Un colonialisme bambara (Malien du Sud) avait succédé au colonialisme français. 
Vers 1990, des combattants touaregs ayant combattu pour la Lybie (déjà) sur des théâtres d'opération tel que le Tchad étaient démobilisés et revirent chez eux au Mali. Leur retour provoqua la 2e rebellion touareg faisant écho à celle de 1963.
Les rebelles de l'époque avaient le romantisme d'Ibrahim Ag Braibone de Tinariwen. Leur but était la libération culturelle et politique d'un peuple opprimé. Mais le mouvement s'était finalement divisé entre groupes tribaux et la promesse de quelques postes juteux à certains leaders ou notables par le Mali avait achevé la dislocation du mouvements
Une nouvelle rébellion touareg secoue le Nord de Mali depuis le 17 Janvier 2012. Nième ersatz de soubresaut de l'irrédentisme touareg? Une nouvelle copie de 1963, 1991 ou encore 2006? Non
Depuis 2003, les rapports de force ont changé. Les salafistes, devenu AQMI (Al Qaïda au Maghreb islamique), se sont infiltrés petits à petits dans la zone, opérant des kidnappings contre des occidentaux et amplifiant les trafics en tout genre jusqu'alors limités à du trafic de carburant et de denrées alimentaires. Surtout en 2011, avec la chute du colonel Khadafi en Lybie, un nombre important de militaires d'origine touareg sont revenus au pays avec leur armes et bagages.
Malgré le déversement de milliards de francs CFA, le développement économique du Nord ne s'est pas véritablement fait, cet argent étant dépensé dans des projets inutiles mais surtout "filtré" en frais de fonctionnement par les ministères, les services techniques incompétants et les cadres locaux...
Le gouvernement du Mali a reçu des sommes conséquentes pour lutter contre AQMI mais sur le terrain, rien n'était fait. Cet argent a probablement été également "filtré" et AQMI pouve librement circuler dans cette région, certes très difficile à contrôler.
Pire, des trafics de drogue de grande ampleur ont lieu en toute impunité à tel point que des complicités aux plus hauts niveaux de l'état sont probables. Quand j'étais dans la zone en 2009, je me rappelle l'histoire d'un Boeing chargé de cocaïne qui finit brûlé. J'ai même vu à Gao, une ville pauvre pourtant, circuler un Hummer de luxe...
Voila pour le contexte exécrable du Nord Mali.
La progression de cette rebellion a été fulgurante ces derniers jours. Après Tessalit où la résistance a été vive, Kidal, Gao et enfin Tombouctou sont tombés très rapidement. Il faut dire que l'armée malienne a été considérablement désorganisée par un coup d'état ridicule (le président en poste devait quitter le pouvoir 2 mois plus tard par un scrutin qui s’annonçait démocratique...).
Aujourd'hui les objectifs de guerre sont quasiment atteints et le drapeau de l'azawad, ci dessous, flotte sur les 3 ex-capitales régionales du Nord Mali.


Pourtant, je ne peux m'empêcher d'être pessimiste pour l'avenir de l'Azawad. Ces victoires rebelles ont largement été supportées par des groupes islamistes, notamment Ansar Dine. Ces derniers veulent établir un état islamique dans tout le Mali alors que les ambitions du MNLA (mouvement national de libération de l'Azawad) sont laïques et géographiquement limitées aux régions Nord. Déjà dans les villes libérés, semble t il, certains djihadistes essaient de mettre en place la charia, ce qui ne convient pas exactement à la culture touareg
L'Azawad n'est pas un territoire homogène. Les réalités économiques entre un riziculteur du fleuve Niger et un éleveur nomade des zones Sahariennes ne sont pas les mêmes. Les tribus et ethnies ne s'entendent pas forcément (Arabe, Songhay, Tamasheq...). Certains ont intérêt aux désordres, en premier lieu, les traficants de drogues (principalement....). Les cadres locaux ont été habitués à l'argent déversé et sont particulièrement corrompus.
Les cartes se sont subitement abattues sur la table. Les dés sont lancés et je ne sais pas comment l'Azawad va échapper à la guerre civile. Entre groupes ethniques, entre laïque et islamistes.
Je souhaite qu'une issue pacifique puisse voir le jour rapidement. L'indépendance me parait bien difficile dans la mesure où cela créerait un précédent important en Afrique et risquerait de déstabiliser les états limitrophes comme l'Algérie, la Lybie et surtout le Niger. La voie tracée par le Sud Soudan n'est d'ailleurs pas très encourageante. La boite de Pandore a t elle été ouverte?
Souhaitons que le MNLA puisse unir les peuples de l'Azawad, qu'il puisse s'entendre avec le Mali pour une autonomie véritable et qu'une véritable "guerre sainte" puisse permettre de chasser les islamistes d'AQMI, faute de quoi, l'Azawad risque de devenir un nouvel Afghanistan.
Tout est possible.