03 mars 2015

Le plat pays... qui est le leur...

En gros, depuis Winnipeg jusqu’à Calgary, le Canada, c'est des prairies, que des prairies! La partie la plus riche de l'Alberta est entièrement couverte de prairie. Calgary est déjà à plus de 1000 m d'altitude. L'Alberta correspond a la zone des herbes courtes.

Géologiquement, il s'agit d'un grand bassin sédimentaire ancré entre le bouclier canadien cristallin a l'Est et les montagnes rocheuses a l'Ouest. Le bassin est grand a l'échelle américaine, donc gigantesque a l’échelle européenne.
A l’ère dévonienne (il y a environ 400 MA), les montagnes rocheuses n'existaient pas encore et l’océan pacifique arrivait directement dans ce qui est aujourd'hui l'Alberta qui accueillait tous les dépôts en provenance du continent.
Puis durant la fin du jurassique et au Crétacé (il y a environ 70 MA) surgissent les montagnes rocheuses sous forme de multiples chevauchements qui enfouissent en profondeur les sédiments du Dévonien. 
Au crétacé les rivières s'écoulent vers le Nord, entaillent les couches géologiques dévoniennes et déposent des sables alluviaux dans la région de l'Athabasca.
La matière organique piégée augmente en température et en pression, entrant ainsi dans le fenêtre a huile permettant la transformation en pétrole. Ce pétrole conventionnel (a ne pas confondre avec le pétrole de schiste qui est resté sur place dans sa roche mère faute de porosité) a ensuite migré vers le Nord Est vers des pièges classiques tel que des réservoirs récifaux voir incidents salins. Une partie de ce pétrole a continué sa route pour se piéger, a proximité de la surface, dans les paléo-sables alluviaux de la rivière Athabasca. La, les molécules les plus courtes se sont dégradés ne laissant que les chaines longues de type bitume ainsi que d'autres molécules a base de benzène, de plus en plus visqueux. Ces sables bitumineux font du Canada le 3e pays mondiale pour ces réserves en hydrocarbures accessibles.


Les sables bitumineux, qu'est ce que c'est? Un sable noir qui ressemble a un gré plastique. Il contient 10 a 15 % de bitumes, 5 % d'eau, 75-80 % de sables et le reste sont des argiles.
Leur qualité dépendra de la teneur en bitume et de la teneur en fine (ou argile) qui font générer des déchets lors de la transformation du sable bitumineux en huile apte a devenir du pétrole de synthèse.


Il existe 2 techniques dominantes:
  • La technique minière lorsque que la ressource est proche de la surface. Une banale excavation du sables par pelle mécanique et camion Dumper géant. Le minerau  est ensuite traité par le process Clark nécessitant beaucoup d'eau (2 a 4 Litre d'eau par baril de pétrole produit) et d'energie (environ 20 a 25 % de l'énergie générée). Pres de 90% du bitume de la roche est récupéré. En surface, elle nécessite la création de grands bassins de rétention ou parc a résidu qui seront durablement pollué (hydrocarbures, benzene, métaux lourds...). Des réhabilitations de terrain existent. Elles ont un certain succès même si la couche de terre apportée est parfois insuffisante et les espèces plantées ont des problèmes lorsque que leurs racines traversent la couche saine.


Les pelles d'excavation géante autrefois utilisées dans cette industrie


Roue excavatrice, raffinerie de transformation (a gauche), terrains restaurés (a droite)


  • La technique in situ SAGD (Steam assisted gravity drainage) utilisé quand la ressource est profonde, homogene et épaisse. Elle consiste a injecter de la vapeur dans un forage afin de diminuer la viscosité des sables bitumineux. Ce forage est coupé a un forage de drainage parallele qui servira a pomper le bitume mobiliser (environ 15% du bitume de la roche). Cette technique a l'avantage d avoir une faible emprise au sol et un faible impact environnemental en surface
Aujourd'hui, cette industrie est en difficulté car il s'agit d'une industrie de volume avec des marges relativement faible. Le coût de revient d'un baril de pétrole issu de la filière Sables bitumineux est d'environ 60 $, un peu plus pour la technique minière.  Elle n'est plus rentable au cours actuel du pétrole et c'est exactement ce que cherchait l'Arabie Saoudite ne faisant baisser les cours du pétrole: tuer la concurrence non conventionnelle et moins rentable pour conserver ses parts de marché.
Reste que c'est une industrie au bilan carbone très négatif et que les infrastructures en pipeline ne sont pas suffisante pour une production massive vers les raffineries texanes ou d'Asie. Néanmoins et malgré son impact environnemental et sauf révolution technologique drastique, ce type d'énergie exploiter dans le futur si les consommateurs veulent maintenir leur mode de vie.
Pensez donc déconsommation si vous êtes contre les sables bitumineux. Allez hop hop! Transport en commun, véhicule électrique, covoiturage, télétravail, vacances a proximité et vélo! A titre personnel, je n'y suis pas particulièrement favorable et je n'ai jamais été un bon soldat de la société de consommation mais l'étude de la problématique environnementale de ces mines, d'un point de vue eau souterraine (invasions saline profonde, modélisations diverses et autres idées saugrenues)  a été un sujet d'étude tout a fait passionnant. Merci toto!

Laissons le pétrole a feu JR ewing et repartons dans les plaines de l'Ouest... tagada, tagada...
Je vous ai parlé du Dévonien. Le Dévonien est une des périodes géologiques qui ont vu la présence des dinosaures. A cette époque, l'Alberta est une zone d'estuaire et de marais cotier. Un environnement parfait pour pieger les restes de fossiles. Non pas que les dinosaures n'aient pas vécu au milieu du continent mais qu'au milieu des continents, les fossiles sont érodés par le temps. Il y avait donc surement des bestiales bien plus terribles que le Tyranosaurus Rex sur terre. Par contre, celui ci était bien présent en Alberta.

Ah non, pas celui la... pardon...


Ou ce dinosaure, sur site. Trouver de tels fossiles n'est pas courant mais les petits fragments d'os le sont bien plus mais c'est sur que c'est moins impressionnant.

Ces fossiles s'accumulent dans des formations géologiques sablonneuses bien stratifiées qu'on appelle BadLands. Pourquoi ce nom de terres mauvaises: parce qu'elles sont non propices a l'agriculture (peu de sol) et sans eau a proximité sauf au fond des canyons.
Bien qu'ils ne soient toujours pas fertiles, ces canyons ont façonnés des paysages magnifiques. 
Paysage des badlands a la fin du printemps

Hoodoo (ou cheminée de fée) 

Les prairies, c'est aussi a l'origine le territoire de chasse des first nations. Avant l'arrivée des européens, on estimait a 50 a 70 millions de bison dans les prairies. Ils sont l'alimentation des tribus amérindiennes qui nomadisent en Alberta, notamment les Blackfoots. Ils chassent a la belle saison et se réfugient au pied des montagnes rocheuses en hiver pour bénéficier du Chinook, ce puissant vent effet de foehn chaud.
Lorsque les colons arrivent, ils massacrent systématiquement les bisons, pour leur fourrure et parfois juste par amusement ou dans le but de remplacer les prairies par de champs.
Les amérindiens étaient invités a devenir fermier mais on leur interdisait de s'équiper correctement. Ils furent ensuite parqués dans des réserves, de plus en plus réduite puis acculturé a l’école britannique.
Aujourd'hui les first nations sont nombreux a être réduit a la mendicité et souvent passablement alcoolisé en ville. Dans les réserves, ils ont leur propre police et les écarts de conduite n'ont pas lieu.
Ils organisent leur grande réunion annuelle Pow Wow, faite de danse costumé, de chant et de percussion: tres impressionnant


Aujourd'hui, les amérindiens font partie intégrante de cette culture cowboy stempede, celle des fermiers et des rodéos! Yeehawwwwwww!



Alberta, Columbie britannique, on pense tout de suite aux montagnes rocheuses. Pourtant, malgré leur apparente austérité, les prairies peuvent avoir un véritable charme, notamment dans les pied monts des montagnes rocheuses.

Aurore boréale dans les prairies au Nord de Calgary (Merci Christy Turner pour la photo)

01 mars 2015

Calgary: une histoire de tour entre le 18e et le 26e étage

Encore une fois, beaucoup de retard pour tenir ce blog
Désert, jungle, zone tempérée, ile tropicale... Ne manquaient à mon tableau de chasse que les zones glacées. Me voici maintenant au Canada. L'affront au froid est réparé!
Calgary est une des 5 plus grandes villes du Canada de par sa population. Ici c'est l'Ouest américain, la voiture est reine et le Calgarien moyen rêve d'un pavillon dans une distante banlieue avec un gros 4x4, pardon un gros "truck". Le rêve américain n'est pas loin.
Premières impressions en arrivant par avion: mais où sont les arbres bordels! La ville est située dans les grandes prairies de l'Alberta à 50 km des montagnes rocheuses. Dans les prairies, il n'y a pas d'arbres, normal et c'est comme ça sur des milliers de km. Ne me demandez pas pourquoi: j'en sais rien!
J'habite au 18 e étage d'une tour dans le centre ville. Je travaille au 26e étage d'une autre tour: bref tout ça est une histoire de tour... Pour une fois, je travaille dans un endroit socialement acceptable. La mission, qui se s'autodétruira au bout de 5 mois, sera d'étudier les problèmes eaux souterraines liés aux mines de sables bitumineux: Tann Tannnn Obscure, la force est noire...
Calgary est la capitale pétrolière du Canada, une sorte de Houston du Nord.
L'exploration pétrolière est ancienne dans l'Alberta. Si aujourd'hui les huiles conventionnelles sont plus ou moins épuisées, l'exploration et l'exploitation des hydrocarbures non conventionnels, notamment les sables bitumineux a connu un vrai boom depuis une dizaine d'année. Les techniques ne sont pas nouvelles. Elles datent des années 1960  mais se sont développées des méthodes minières (extraction par pelles mécaniques géantes et camions tout aussi géants) vers les méthodes extraction in situ (extraction par injection de vapeur),
Les gisements sont situés loin au Nord, au delà d'Edmonton, vers et au Nord de Fort Mc Murray.

Une raffinerie de bitume au Nord de Fort Mc Murray

Pourtant les sièges des sociétés pétrolières se sont installées à Calgary, où les montagnes rocheuses,
toutes proches, font de Calgary une cité au cadre de vie bien plus agréable. La ville prospère sur les retombées directes ou indirectes de l'exploitation du pétrole, au gré des vagues d'euphorie ou de dépression et des spéculations sur le fameux oil peak, toujours repoussé plus loin (ils sont trop méchants les géologues, ils ne veulent pas que l'économie carbonée s'écroule...). A l'heure ou j'écris ces lignes, la ville rentre en phase de dépression mais elle a déjà connu plusieurs période similaire.
D'un certain point vue, Calgary a les caractéristiques d'une ville minière et en seulement 10 ans dans les années 2000, sa population est passée de 0.8 a 1.2 millions d'habitants. Vous avez dit croissance?...

Donc Calgary: la Houston du Nord, une ville Nord Américaine assez typique avec un centre ville fait essentiellement de hautes tours de bureaux entourées de banlieue pavillonnaire a perte de vue.
Nana sophistiquées, hommes d'affaire costumé... pas de doute. Le business est roi et les gens viennent ici dans l'espoir de réaliser rapidement de bons profits, le tout dans une atmosphère de travail relativement décontractée.
Et les Calgariens dans tout ça. Calgary peut être comparée a une ville du middle west américain sans son coté puritain. Au fil des vagues d'immigration, la population de souche représente a peine 50% de la population totale. Russe, Iraniens, Chinois, Québécois... composent le reste de la population. C'est donc un joyeux mélange ou le racisme est peu présent puisque le plein emploi prévaut. Les minorités sont globalement respectées.

Tipi amérindien (ou first nation) durant le Stempede, la grande foire cowboy de Calgary ou l'on marquait autrefois les animaux. Durant cet événement, il est bon ton de venir habillé habillé façon western et des tentes a bières sont dressées un peu partout en ville. Durant 1 semaine, Calgary quitte enfin son costume business pour les santiag et le chapeau, et c'est pas désagréable.

Pour un Européen, le Calgarien est souvent d'un premier abord très facile d’accès et poli mais il est très difficile d'en faire un ami proche. D'ailleurs le Calgarien moyen est trop occupé a gérer ses business. Il se couche tôt aussi, Calgary n'est pas une ville de nuit et la journée de travail commence souvent tôt. Le Calgarien est également plutôt conservateur, a l'exception de quelques poches de résistance au conformisme a Kensington ou j'habiterais plus tard et Inglewood. Calgary est d'ailleurs le fief électoral de Stephen Harper, leader des conservateurs canadiens et actuellement premier ministre de l'état fédéral. La doctrine: moins de taxe, plus de liberté ou quelques choses comme ça. L'alberta est d'ailleurs la province du Canada ou les taxes sont les moins élevées

Pensée très minoritaire a Calgary


Affichette collée dernier la porte de mon bureau illustrant bien la mentalité calgarienne

L'objectif: payer le moins de taxe possible. TVA/GST a 5%, taxe provinciale limitée (car compensé par les revenus pétroliers). Du coup, l'économie est prospère mais un coût de la vie assez élevé dopé par les revenus de l'oil & gas, Revers de la médaille: peu de service public, peu de culture, vraiment peu. Malgré le froid, les routes ne sont pas déneigées sauf les routes prioritaires (les snow route), a la charge des propriétaires de déneiger eux même leur trottoir. Du coup, en pleine hiver, les routes secondaires des quartiers résidentiels peuvent devenir de véritables montagnes russes. Ne pas avoir de véhicule 4x4 peut devenir problématique.



La rivière Bow complètement gelée - Hiver 2014

Calgary est une ville ou il neige relativement peu mais ou chaque année ou presque, la température descend sous les -30 degré celsius. Dans le centre ville, il n'y a pas de réseau souterrain comme a Montréal mais des passerelles couvertes reliant les tours a environ 15 pieds du sol: le plus fifteen. C'est plutôt agréable de se balader au chemise en pleine hiver pour aller chercher son sandwich ou pour aller discuter avec un ami qui travaille dans une autre tour en ville sans passer par la case congélateur.


Calgary, c'est le sport aussi. On est dans le culte du corps a la californienne. Les salles de sport sont légion. Il faut être beau et fit pour réussir. Moi même j'essayais de faire du sport tous les jours au YMCA. Je n'ai pas réussi a etre beau et fit.. Tant pis... Purée... YMCA, cowboy, indien,...non je ne suis un membre des village people!
On trouve aussi pas mal de pistes cyclables notamment le long des rivières. Elles sont empruntées pour les plus courageux a toute saison, a condition de bien se couvrir bien sur...

Au Canada, chaque saison a son sport. De toute façon, pas de problème, dans les pubs, il y a plusieurs écrans a chaque mur et il y en a pour tous les goûts. L'été c'est le football canadien, légèrement différent du football américain et surtout l'hiver c'est le hockey sur glace qui est entouré d'une certaine dévotion populaire. L'équipe phare de Calgary, c'est les Flames. Couleur rouge et noir. C'est un sport très rapide. Les matchs sont très nombreux et il est impressionnant de voir les supporteurs sortir en masse du stade avec les couleurs de leur équipe. Victoire ou défaite: l'humeur de la cité en dépend...
Calgary est plus connu dans le monde pour les jeux olympiques qui ont eu lieu en 1988. Détail amusant. Certains équipements sont totalement installés en ville dans la plaine. Sous ce type de climat, pas besoin d'aller en montagne pour avoir de la neige, quoique...

Piste de saut aux jeux olympiques d'hiver de 1988

La ville a aussi son spot de surf en été...

Même si je me suis toujours senti un peu étranger la bas, j'ai passé au final 18 mois exceptionnels a YYC. Il est parfois terrible de devoir quitter une ville que l'aime. Certaines personnes me manquent déjà beaucoup. Encore une belle tranche de vie. J'ai hâte de vivre la prochaine.
Une dédicace spéciale a mon ancienne équipe de rugby: les RAMS. C'est bon de revenir sur le sentier de la guerre de la compétition pour une vieille carcasse comme moi. Merci, merci Calgary!

Contrairement a l'histoire, la tunique rouge est le franchouillard de l'équipe

Victoire a la coupe South Alberta 2014, 2e division