13 mars 2012

Konnichiwa Tokyo

L'espace Japon/Corée est l'escale quasi obligatoire entre l'Europe et la Nouvelle Calédonie. Autant rallonger cette escale pour une visite de cette culture que je connais bien peu. Konnichiwa Tokyo!
Première impression de Tokyo: c'est grand, très grand: presque 2 h de train pour rejoindre le centre ville depuis l'aéroport de Narita mais l'habitat (excluant les quartiers d'affaire) n'a pas beaucoup poussé vers en hauteur. Surprenant, je m'attendais à quelques chose ressemblant à Manhattan. On m'avait dit aussi que les loyers étaient terriblement, les logements terriblement petits. Curieux donc de ne pas voir se multiplier les étages des bâtiments. La vie y est d'ailleurs bien moins cher que ce que j'escomptais, malgré un taux de change très défavorable à l'euro.
J'ai posé mes valises dans le quartier vivant et populaire de Asakusa au Nord Est du centre ville avec ces petits restaurants à soupes où l'on y mange comme assis le long d'un comptoir (les japonais y mangent d'ailleurs fort tard et j'ai été surpris de voir que le matin, la ville s'éveillait assez tard), sa tour Asahi beer tower et surtout le temple Senso-Ji.

Asahi beer tower dans le quartier de Asakusa


Le temple boudhiste Senso-Ji la nuit, qui tranche avec l'activité et la foule du jour le long d'une longue allée de procession brodée de petites boutiques. Les Tokyoïtes ont l'habitude l'aller y bruler de l'encens et y faire une prière.
Encens à l'entrée du temple Senso-Ji, un rituel de purification je suppose
Prière et offrande de pièces de monnaie lancées dans les fentes en face des pèlerins

Tokyo n'est pas (ou plus) une ville traditionnelle à l'exception du voisinage des grands temples. Cependant on aperçoit par endroit quelques clin d'oeil à la tradition séculaire du pays.
Des pousses pousses en pleine rue, à priori non pas pour des occidentaux à la recherche d'authenticité mais bien à destination des Japonais eux même. Les occidentaux semblent d'ailleurs peu nombreux au pays du soleil levant qui est plutôt une destination "affaire". L'ancien cotoie le recent sans rompre trop l'harmonie.
                  
Mur de la cité impériale avec de l'autre côté des douves les premiers buildings du quartier d'affaire. Contraste saisissant


Les portes du palais impérial, et ses impressionnantes douves

Les fondations du donjon de la cité impériale: honnêtement, vous ne trouvez pas que ça ressemble à des ruines d'un temple inca dans la cordillère des Andes.

Circuler dans Tokyo est amusant. Tout est presque exclusivement en "alphabet" japonais. Arriver dans une station de métro majeure pour trouver une direction relève de l'exploit et il faut alors trouver la perle rare qui parle anglais, je veux dire véritablement anglais car les japonais sont vraiment nuls en anglais, encore pire que nous, français. Après tout, quand vous vous baladez à Paris, à part dans certains musées très connus, voyez vous souvent des indications en japonais. Connaissez vous beaucoup de monde parlant le japonais en France?
Le japon est un pays de tradition que l'on partage avec fierté, je dirais même avec nationaliste. Marchant dans la rue, j'ai été arrêté par un journaliste et son cameraman. Ils voulaient visiblement faire une interview d'un occidental. Après les présentations, le journaliste m'a demandé de lui citer mon acteur japonais préféré. J'étais bien embêté car, inculte, aucun ne m'est venu à l'esprit. Il avait l'air très dépité en partant...
Meiji-Jingu est un autre grand temple de Tokyo entouré d'un grand parc. C'est un haut lieu de la tradition shinto avec son enceinte sacrée interdite.
Il faut normalement se laver les mains avant de pouvoir entrer dans le sanctuaire.
Le poste de purification, très ritualisé
Remarquez le masque dur la visage de la femme à gauche: ce n'est pas une légende, en ville, les japonais ont l'habitude de porter des masques, peut être pour se protéger de la pollution mis surtout pour éviter de contaminer ses voisins lorsqu'ils sont malades: c'est ça le civisme japonais.

L'hygiène semble essentielle pour les japonais. La pratique des bains publique est encore très développée. On les appelle les onsen. Ces bains publics séparent hommes et femmes. Les règles sont très strictes. J'ai fait la terrible erreur de rentrer chaussé à l'intérieur de mon Onsen de quartier. J'ai été remis à ma place prestement. Tout le monde est entièrement nu et le client doit passer dans une succession de bain, d'abord un bain très chaud aux eaux soufrées avec toutes sortes de bains boullantes et un étonnant bain électrique sensé simulé un bain avec des anguilles électriques (je vous avoue que j'ai eu bien du mal à tenir plus de 10 secondes dans celui là) et enfin un bain froid à l'extérieur (autour du 20 Janvier dans l'hémisphère Nord) avec plusieurs passage successif. Un vrai délice. Un air frais qui se dégage de la gorge, un sentiment d'avoir été "bouilli" et sortir vidé. Vraiment à quand le même principe en France.

Meiji-Jingu est un haut lieu des mariages traditionnels, des gaïsha, etc... On ne rigole pas avec l'ordre là bas. Les cortèges de mariage sont escortés par la police. Plaisanterie malvenue. Je savais bien que le mariage est un substitut à la peine de mort mais bon quand même...
Cortège de mariage traditionnel

Tokyo est en pleine ville mais l'on sent bien qu'à l'origine, la spiritualité japonaise était proche de la nature: rivière, source, étang, montagne, etc... Tokyo a maintenu  des espaces quasi naturels, notamment à proximité des temples.
Un étang d'aspect très naturel voir sauvage, avec des roseaux, ses canards, le tout en pleine ville et à proximité d'un temple bien entendu.
Une source sacrée où les tokyoïtes viennent y faire un voeu tout en plongeant les mains dans cette eau. Il n'y parait pas mais il y avait une file d'attente pour y accéder et un agent de sécurité était là pour assurer le bon déroulement des choses.

Une grande tradition chez les japonais est de laisser des voeux dans les temples pour soliciter la bienveillance du Dieu à la manière du mur des lamentations à Jérusalem. Une bénédiction, un voeu est laissé dans une enveloppe, probablement recupéré chaque soir par les prêtres du temple. J'ai fait le mien. Le même que celui que j'ai fait autour de l'arbre des souhaits de Sydney. Il sera bien dure à réaliser mais sait on jamais...
Ma propre demande de voeux

Les combats de soumos sont une pratique sportive bien connue au Japon. Une affaire très sérieuse sur cette île et une activité extrêmement codifiée. Deux équipes d'environ 10 combattants s'affrontent par ordre croissant de palmarès. Je m'attendais à des masses mais j'ai été un peu déçu. Les soumos sont gras mais pas si obèses. Certains même ont des muscles saillants. Un mythe tombe... Le combat est d'abord présenté par un arbitre "déguisé" à éventail (il a surement un nom mais je ne le connais pas) prononçant un discours (phrases rituel, poème, ... j'en sais rien vu mon niveau de japonais). Les athlètes rentrent ensuite sur le ring, réalisent des exercices d'assouplissements codifiés, balancent du sel sur la piste pour la purifier puis se positionnent face à face. Le combat commence quand les 2 combattants posent les 2 poings en même temps sur le ring. Parfois c'est l'échec et le rituel est recommencé. Le combat en lui même est extrêmement rapide. Le plus souvent, le vaincu est poussé hors du cercle de combat, plus rarement quand le combat est plus technique, il est mis au sol. J'ai trouvé ça assez long et peu excitant mais ce sport a l'air d'être pleinement intégré à la culture japanaise.

Présentation des combattants
Un soumo "retraité"
Le ring
Rituel d'assouplissement avant combat avec au centre du cercle l'arbitre à éventail et sur le côté une personne nettoyant l'excès de sel
Le combat en lui même. Attention, ça va vite et il faut suivre.

Les japonais sont particulièrement friants de poisson. Après tout, le Japon est un archipel et qui est de plus la mecque des sushi? Au marché de Tsuhiji, le poisson est presque vendu comme on vendrait en France du fromage AOC. Les sushi sont un met précieux. Je n'ai pas trouvé de grandes différences avec les sushi made in France mais la diversité de poisson (et fruits de mer) est bien plus grande et le poisson est préparé devant vous. A dégusté avec un thé vert en poudre soluble 
Vente de thon rouge à Tsuhiji market

Et le Tokyo moderne dans tout ça? Très honnêtement je me faisais une idée bien plus futuriste de cette ville. J'ai même vu en ville pas mal de voitures qui semblaient être des modèles plutôt anciens. Je suis assez persuadé qu'une ville comme Berlin doit avoir un aspect bien plus futuriste.
Certains quartiers sont par contre assez étonnants, notamment le quartier Akihabara aussi appelé la ville électrique. C'est le haut lieu des jeux video, des mangas, des assembleurs d'ordinateur. On y trouve toute sorte de technologies. Il est etonnant d'observer les vendeurs des plus grands magasins criant à l'unisson ou semblant se répondre entre eux pour attirer le client


Akihabara, la ville électrique

Les japonais ont une tendance certaine à l'excentricité. Probablement le contre coup d'une société assez rigide qui se fissure. A Akihabara, même en plein hier, on trouve un peu partout des jeunes filles en petite tenue qui sont là pour rabattre le client ou pour se montrer. Certaines sont habillées en Sailor-moon ou autre personnages de dessins animés japanais. J'ai même vu passer dans ce quartier des bus à leur effigie. Madness madness...
de petites demoiselles excentriques d'Akihabara city

Les japonais sont aussi de grands joueurs d'argent. Non pas les machines à sous que l'on retrouve dans nos casinos ou à Las Vegas, mais un jeu à base de billes qui les Tokyoïtes pratiquent notamment après le travail.

Les jeux d'argents japonais et leur panier de billes

Mon image de Tokyo et du Japon en général est directement issu de mon époque Club Dorthée et des dessins animés japonais, notamment le collège fou fou fou pour ceux qui s'en rappelle. Ce que j'ai vu est assez conforme. On trouve à Tokyo un brin d'excentricité, une bonne dose de tradition et pas mal de technologie. A peine 4 jours pour visiter ce pays ou plutôt cette ville: c'est bien peu d'autant plus que Kyoto ou Osaka ont une bien meilleure réputation et que la campagne doit renfermer pas mal de beautés comme les fameux jardins en terrasses. En bref un pays qui ne m'a déçu du tout et qui mérite bien plus qu'un simple stoppe entre 2 avions.
Sayonara Tokyo!

07 mars 2012

Junta ou la politique sans les scrupules

Mon addiction aux jeux (de plateau) est bien connue. Il en est un que j'affectionne tout particulièrement: Junta, le jeu de la politique sans les scrupules.
Le jeu se déroule dans une petite république bananière d'amérique centrale (ce jeu ayant été créé par des auteurs américains) mais aurait pour avoir lieu dans bien d'autres parties du monde.
Chaque joueur contrôle une grand famille du pays qui manipule de grandes groupes de pression de la société civile tels que les syndicalistes, les conservateurs, les étudiants, les monarchistes, les paysans, et j'en passe... Les alliances contre natures sont tout à fait acceptables dans le monde de la junta, le but étant d'accéder la fonction de président démocratiquement élu à vie.
Ce poste à vie est très envié (quoique...) car le président est la seule personne à connaitre le montant de l'aide extérieure (comprenez l'aide de la coopération comme le FED ou l'USAID mais aussi toute rente minière ou pétrolière) qui distribue comme bon lui semble entre les différents postes ministériels ou militaires en fonction des alliances de circonstance et pour le crime de lèse majesté que serait un coup d'état militaire.
Un bon président est un président à vie qui réussit à rester en vie en arrosant harmonieusement ses adversaires politique et en réussissant à passer à la banque pour déposer son argent sur son compte en suisse, lieu de rendez vous préférer de la joyeuse confrérie des assassins. Et oui, ce jeu des années 1980 commence à dater un peu, aussi bien dans les mécanismes que dans le technologie: internet n'existe pas encore pour les virements et c'est bien dommage pour les hommes politiques!
Bref un bien bon jeu, bien cynique, un jeu qu'il faut pratiqué avec humour car reposant sur la fourberie. Il faut bien choisir ses partenaires de jeu car il peut arriver parfois certains s'énervent... Comment ça je suis fourbe?

Toute ressemblance avec notre belle France serait purement fortuite. A fortiori avec tout territoire éloigné dans le pacifique sud. Quoique... Quand on réfléchit bien, la Nouvelle Calédonie correspond assez bien à la définition de république bananière:
Elle vit largement de l'aide extérieure (les transferts financiers la France métropolitaine pour équilibrer les comptes publics largement déficitaire faute d'impôt à la hauteur de la masse salariale du secteur public) et dans une moindre mesure de la rente minière (le nickel et les investissements extérieurs qu'il draine, investissement qui vont se tarir avec la fin de la construction des nouvelles usines et la chute, probable, du cours du minerais de nickel au regard de nouveaux gisements mondiaux qui devraient entrer en production dans la décénnie à venir). La France investit dans des projets totalement déficitaires, au nom de l'équilibre territorial. Comme dit une chanson très populaire en Nouvelle Calédonie: "c'est qui qui paie qui paie, c'est la France qui paie..."
Le pouvoir réel est dans les mains de quelques familles qui contrôlent l'essentiel des marchés. Pire, si un concurrent tente de s'installer sur le caillou, les amis politiques du propriétaire local créeront rapidement une loi de protection (hausse des taxes d'importation, tracasseries administratives, restriction à l'importation). On ne s'attaque pas à un monopole sans y laisser des plumes en Nouvelle Calédonie.
Une des nombreuses Porsche Cayenne de l'ile sur le port de Nouméa. Un symbole de l'opulence de l'oligarchie des profiteurs du système calédonien et de l'argent qui s'étale

L'exemple le plus connu est le cas du Nutella ou encore l'unique opérateur de téléphone mobile mobilis. Il en va de même pour certaines professions libérales tel que les vétérinaires ou les kinésithérapeutes. Enfin l'innovation n'a pas sa place car l'apport de nouvelles technologies, sauf si elles sont vraiment évidentes,  pourraient menacer les revenus de ceux qui profitent des anciennes. Il y a quelques années, un "étranger" avait proposé de mettre en bouteille les eaux d'une source. Son projet avait été retoqué. Quelques mois plus tard, une personne plus proche du pouvoir proposait le même projet qui fut finalement accepté. Bref tout est fait pour que ceux qui ont des business juteux les gardent sans concurrence. Et s'il faut, une argumentation de type raciste (la "localité") sera mis en avant. Il n'y a pourtant pas de "localité" pour les calédoniens (caldoches, Kanak ou d'autres groupes) cherchant du travail en France métropolitaine (ou "Zorland"). En résumé, la Nouvelle Calédonie a tout d'un pays en voie de développement. Une grande disparité de revenus entre les habitants, une économie de rente, des communautés qui se détestent (comme le prouve le massacre de Maré en 2011)... La violence est bien terriblement présente dans cette société, surtout au regard de sa faible population (250 000 habitants). Mon petit doigt me dit que tout ça finira très mal. Wait and see...
En attendant, "c'est qui qui paie qui paie, c'est la France qui paie..."
La devise de la France n'est elle pas liberté - égalité - fraternité? Où est la liberté puisqu'un français d'origine non calédonienne n'a pas les même droits au travail qu'un calédonien de souche? Où est l'égalité entre les citoyens français puisqu'au bas mot, je pense qu'un calédonien de la province Nord doit bien toucher 10 à 20 fois plus de subventions publiques qu'un citoyen français lambda, et où une oligarchie s'accapare l'essentielle de la ressource produite. Sachez également que lors des futurs référundum sur l'auto-détermination devant se dérouler entre 2014 et 2018, seules les personnes ayant 10 ans de territoire en 1998 pourront y voter (soit environ 25 ans de territoire lors du vote).  Où est la fraternité? Ce pays est teinté de racisme. Pire, la France est souvent détestée. Curieux de mordre la main qui vous nourrit, non?
La France n'a plus d'argent entend-t-on sans cesse aux nouvelles. Sauf à flatter un orgueil nationaliste désuet et dorénavant absurde, pourquoi maintenir cette dépendant à la Nouvelle Calédonie. N'est il pas possible de réussir, enfin, une décolonisation! De trouver leur mode de société qui leur conviendra et avec leurs ressources propres, et ainsi dépasser leur complexe identitaire. Vivre dans une prison dorée, assis sur une poudrière, très peu pour moi, merci.
Comme dirait un ami: "New Caledonia, end of story!". Goodbye Kanaky
J'achève cette histoire avec quelques photos symboles de Nouméa.
Le kiosque de la place des cocotiers 



Le centre Jean Marie Tjibaou construit par Renzo Piano l'architecte de centre Georges Pompidou. Ce centre culturel est dédié à la culture Kanak contemporaine


La baie de Magenta à marée basse et au loin le mont Dore