27 février 2008

Gorée, un comptoir à esclaves

C'est un jour en farfouillante dans la bibliothèque de BD de la FNAC ou de l'ENSG que j'ai découvert l'existence de l'ile de Gorée et de son histoire après d'avoir lu le tome 5 des "Passagers du vent", la bande dessinée de François Bourgeon, dont le titre est "Le bois d'ébène" qui n'est autre que le surnom de la marchandise "esclave noir africain" durant la traite négrière. J'avoue en avoir gardé un souvenir marqué des conditions de transport des esclaves à bord de ces bateaux. En tant que Guadeloupéen de passage à Dakar, je me devais de visiter ce haut lieu de l'histoire afro-caribéenne.
Gorée est une toute petite ile au large de la pointe Sud de la presqu'ile du Cap Vert qui fait face aujourd'hui au grand port et au centre ville de Dakar que l'on appelle "le plateau".
L'ile, quasiment entièrement urbanisée, a de loin l'aspect d'une forteresse sur mer. C'est un ancien piton volcanique. Sur les falaises de la partie haute de l'ile se développent des orgues magmatiques aux pieds desquelles sont jonchées de nombreuses pièces de canon. Ce piton est suffisamment important pour fournir une source d'eau douce pérenne.

L'arrivée sur l'ile ne laisse pas présager son histoire négrière. On a plutôt l'impression d'arriver sur un petit village provençal nonchalant. Certains pourront même être poussés à comparer Gorée à St Tropez, une St Tropez délabrée cependant mais qui a bénéficié de fonds de l'UNESCO pour quelques ravalements.


Très sérieusement, on ne dirait pas un village provençal? En arrière plan, c'est le port de Dakar.

Gorée est devenu un havre à touriste. La population est partagée entre chrétien et musulman. Au niveau des habitations le pire cotoie le meilleur. Les petits vendeurs de rue, ces bana bana, sont très présents et particulièrement bien rodés (un petit guide, un pareo....).





Ici c'est l'ancien palais du gouverneur de l'ile. On imagine aisément les fastes de l'époque coloniale sous l'ancien régime, les bal, etc... Aujourd'hui c'est plutôt le logement de fortune des chèvres.



Le haut l'ile s'appelle le Castel. C'est l'ancienne forteresse , disparu aujourd'hui et qui sert de mémorial de l'esclavage. Très honnêtement y accéder tient du chemin de croix. Les vendeurs y sont particulièrement agressif et un refus est souvent synonyme d'insultes raciales. Porte ta croix, fils d'esclavagiste! Ca a tellement été horrible que j'ai dû passer par des chemins détournés pour redescendre.



L'esclavage, c'est la grande affaire de l'ile de Gorée, je dirais même son fond de commerce. Elle attire moulte touristes, notamment issu de la disporas américaine. Chaque année, un groupe de martiniquais vient faire un pélerinage sur l'ile et réalise notamment un spectacle de percussion et de danse antillaise que l'on appelle Gwo Ka et Lewoz.

Le président du conseil régional de Guadeloupe (Lucette Michaux Chevry pour ne pas la citer) a fait réaliser à Gorée une statue en hommage aux victimes de l'esclavage.


On retrouve à Basse terre en Guadeloupe une statue très similaire entre le cimetière et Calebassier sur le bord de mer. Je vous laisse faire la comparaison...De part et d'autre de l'océan...

Le point d'orgue de tout circuit touristique à Gorée est la fameuse maison de l'esclave. Cette maison est une ancienne captiverie tenue par des Hollandais. Elle sera également une des dernière en fonctionnement.
Comment fonctionnait la traite négière selon les historiens? D'abord essentiellement portugaise, elle devient ensuite l'apanache des grandes puissances européennes, essentillement, la France, la Hollande et l'Angleterre. Contrairement a ce qui est répendu, c'est très rarement les européens eux qui allaient capturer les africaines de la cote de guinée. Ils faisaient alliance avec des rois locaux pour leur fournir ce qu'ils recherchaient en l'échange dans un premier temps de pacotille (casserole, tec....) puis d'eau de vie, l'arme à feu, de chevaux, etc... Une unité d'échange couramment utilisé était aussi la barre de fer. ce commerce va provoquer la multiplication de guerres intestines sur le continent entrainant des mouvements de population et une certaine dénatalité. Certaines ethnies vont se spécialiser dans ce commerce comme les wolofs qui vont razzier les populations diola plus au Sud, plus trapu donc plus "cotée" car plus résistante.

Gorée n'est qu'une point intermédiaire dans le traffic négrier. Les esclaves y sont engraissés car pour pouvoir partir, un individu adulte doit peser au moins 60 kg. N'ayez crainte, aucune humanité là dedans! Il s'agit surtout que la cargaison soit suffisamment résistante pour survivre au voyage transatlantique car les conditions sont effroyable, surtout s'il y a des pannes d'alizés. Les pertes moyennes sont de 15 à 20 % et la situation tend à s'améliorer avec le temps Les hommes sont enchainés couchés et le plafond n'est souvent pas assez haut pour q'ils se levent. Les femmes ont plus de chance.

Les navires négriers mouillent en rade de Gorée. Les esclaves sont évalués un par un, un homme robuste valant bien sur plus que quelqu'un de frèle. Sont appréciés aussi les jeunes femmes qui n'ont jamais eu d'enfant, c'est à dire souvent celles qui ont encore les seins pointus. Je vois pas trop ce qu'ils veulent dire, quelqu'un pourrait il m'expliquer?..... ;-)

Dans la captiverie, les femmes sont séparées par groupe: hommes, femmes et enfant bien sûr. Les rebelles sont isolés dans des fosses. La captiverie est une véritable forteresse avec ses couloirs de défense et ses meurtrières. Gorée changera plusieurs fois de main durant les guerres franco anglaises.

Le plus étonnant est que les maitres habitent juste au dessus de leurs captifs. En haut de l'escalier les appartements des maitres, en dessous, les cellules à esclaves.

Il ne reste plus qu'à franchir la porte du voyage sans retour. 8 à 10 millions d'Africains le feront contraints et forcés. Quelle est la place de Gorée dans le commerce trangulaire. Probablement très médiocre. Un simple comptoir de transit comme il en existe bien d'autres, notamment en Gambie ou sur la cote de Guinée. Le vrai relais sur la route des amériques (brézil, antilles, amérique du nord) devrait certainement être les iles du cap vert, dernier point où l'on pouvait faire le plein d'eau avant la longue traversée. C'est là que la concentration des navires négriers devait être la plus grande.


Cette porte donnant sur la mer me laisse pensif. Vers où donne t elle? Ma tête est trop creuse de futilité pour le savoir. Je ne sais même pas où je vais moi même alors à quoi bon...C'est beau, un point c'est tout!
Et ce petit garçon, se rend t il compte qu'il est en train d'observer l'ame de milliers d'esclaves africains mort pour le profit de quelques uns...

1 commentaire:

Seb a dit…

Sympa ce petit reportage poetico-philosophique ;-)
Ici aussi, en Angola, les esclavagistes ont eu leur part du butin du "trafic de l'ébène"...